Retrouver les traces de mouvements, de mutations architecturales et de vies souvent intimement racontées par les murs ; établir un dialogue entre le passé et le présent en vue d’un futur : voilà bien l’archéologie des lieux qu’entreprend François‐Xavier Richard, fondateur de l’Atelier d’Offard.
Aujourd’hui l’une des dernières grandes manufactures de papiers peints à la planche au monde, l’atelier d’Offard perpétue le savoir‐faire du XVIIIe et XIXe siècles. De la restauration de papiers peints à la reconstitution de motifs, François‐Xavier Richard et son équipe ont entre autres habillé les murs des maisons de Colette, d’Émile Zola, de Ravel mais aussi de la maison natale de Charles de Gaulle et des châteaux de Fontainebleau et de Compiègne.
Esthète pluridisciplinaire, François‐Xavier explore le papier sous toutes ses formes, ses sonorités comme ses métamorphoses. C’est ainsi que, basé sur un savoir‐faire ancien, il développe une nouvelle matière, le carton pierre, transformant alors le papier par essence éphémère en décor durable. Offrant des propriétés plastiques exceptionnelles, plusieurs grandes marques en ont rapidement vu les potentiels esthétiques et architecturaux.
Révélateur d’imaginaire, explorateur du papier, artiste, artisan, archéologue ou plasticien : les casquettes de François‐Xavier et de son équipe sont multiples et passionnantes.
« Très intime et personnel, avec une répétition parfois entêtante, le papier peint peut raconter beaucoup de choses : un désir du décor, de l’ornement, d’une histoire, parfois même de représentation sociale. »
François‐Xavier Richard
Rencontre avec François‐Xavier Richard, fondateur de l’Atelier d’Offard
Bonjour François‐Xavier, pouvez‐vous nous parler de l’aventure de l’Atelier d’Offard ?
L’Atelier d’Offard est parti d’un projet fou et inconscient, avec pour seul moyen du papier et un crayon ; et une pépinière d’entreprises à Saumur pour implantation. Le savoir‐faire s’est construit au fil de projets et de reconstitutions pour les monuments historiques. Les outils et les machines ont entièrement été construits par mon père et moi‐même. Certaines réalisations, issues d’un savoir‐faire ancestral comme la première tontisse ou le premier gaufrage, furent l’occasion d’une aventure collective. Les premières fabrications furent bricolées et les premiers résultats obtenus à l’arrachée. C’est sans catalogue, fort de quatre unique papiers peints réalisés pour la maison de George Sand et d’un savoir‐faire en devenir, qu’il nous fallût convaincre clients et prescripteurs.
Les quatre premières années furent compliquées et incertaines et ce, malgré une maîtrise toujours plus affirmée des reconstitutions pour des lieux déjà prestigieux comme le Palais d’Ajuda, le théâtre d’Evora, quelques châteaux en France et quelques demeures historiques aux Etats‐Unis. L’entreprise fut mise en vente plusieurs fois malgré de beaux résultats artisanaux et l’envie de persévérer. Un déménagement à Tours puis de nouveaux projets pour François Joseph Graf ou le château de Fontainebleau offrit de nouvelles perspectives. Depuis, l’Atelier d’Offard ne cesse de se développer à son rythme, au gré de projets ambitieux et de petites productions, d’employés impliqués ou réfractaires, d’innovations techniques et de recherches de savoir‐faire anciens, au cœur des matières naturelles.
Comment reconstituez‐vous l’atmosphère d’un monument ancien ?
Le papier peint étant l’objet d’une diffusion plus ou moins large, les documents retrouvés constituent rarement des pièces uniques. La reconstitution ne fait donc pas injure à l’histoire de l’art et à l’esprit des lieux.
Cette question est primordiale, car, en effet, le plus important est de retrouver l’atmosphère. Les papiers peints contribuent, souvent, à l’âme des lieux car ils expriment, dans une intimité certaine, la volonté de leur propriétaire qui s’est autorisé à travers eux ce qu’il ne s’autorise pas avec le tissu, la peinture décorative ou les boiseries. Nous sommes donc très sensibles à l’histoire de la demeure, à ce que nous racontent les espaces.
Comment approchez‐vous le travail de reconstitution de motifs anciens ou manquants ?
Dans le cadre de projets de restauration et de reconstitution pour les monuments historiques, l’Atelier d’Offard propose la recherche documentaire in situ et l’expertise de documents anciens. Nous participons également à la définition du projet autour des papiers peints comme, par exemple, dans la Maison de Tante Léonie ou la maison natale d’Eric Rohmer. Lorsque les éléments en présence sont trop lacunaires, une recherche dans les collections spécialisées du Musée des Arts Décoratifs de Paris, de la Bibliothèque Forney ou du Musée du papier peint de Rixheim par exemple, est lancée. Si la trace du document dans son intégralité n’est pas retrouvée, un complément de dessin permet alors de retrouver – avec une partie inévitable d’interprétation – le dessin original dans son esprit et sa facture.
L’Atelier d’Offard a développé une nouvelle matière à partir de chutes de papiers peints : le carton pierre. Quelle en a été l’impulsion et quelle ressource offre‐t‐il à la décoration d’intérieur ?
En 2013, répondant à l’impératif de ne plus jeter nos chutes de papier, je décidais de me lancer en quête d’une matière à base de papier mâché. Le carton pierre est alors apparu, offrant une matière oubliée unique et aux propriétés plastiques exceptionnelles. Souple comme le cuir lorsqu’il est détrempé, il durcit comme la pierre lorsqu’il est sec. Applicable sur tout support, tout volume, il peut habiller les murs comme du mobilier, permettre la création d’objet et de surfaces dans des détails infinis. Il est par ailleurs ininflammable et offre de belles propriétés thermiques et phoniques. Il peut être appliqué en pâte, sculpté, tourné, fraisé, modelé, moulé, enduit sur les murs, etc. Il permet, enfin, la création de reliefs importants et même de sculptures. D’un projet écologique, le carton pierre nous a amené à créer une nouvelle matière, 100% naturelle, basée sur un savoir‐faire ancien, pour l’architecture, le design et la décoration.
© DOFFARD
Vos plus belles découvertes lors d’un chantier de rénovation ?
La maison natale de de Gaulle avec une cinquantaine de modèles anciens retrouvés depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 70 ; la Maison de Tante Léonie, entièrement recouverte de papiers disparus, retrouvés sous des plâtres, sur des poutres, dans des placards, etc. Le château du prince Casiraghi, également, avec un ensemble impressionnant de placards recouverts de papiers pour la plupart des années 1820 – 1840. Chaque projet de reconstitution, chaque archéologie du papier peint est une aventure incroyable.
© Maison De Gaulle
© Maison De Gaulle
Qu’animent, au fond, votre métier, votre savoir‐faire ?
Les histoires animent notre métier. Donner du sens en cherchant l’histoire. Faire dialoguer le passé et le présent en vue d’un futur est un moteur essentiel. La diversité de nos univers évite la rouille – même si c’est aussi très beau, la rouille ! – et entretient la curiosité.
Des recommandations de livres pour découvrir votre univers ?
Les quatre volumes de Kopylov sur les papiers dominotés. Et puis aussi, René Girard, Onimus sur l’émerveillement et tous les livres qui jalonnent notre histoire personnelle. Mon univers n’est pas détaché de mon regard sur le monde, c’est pour cette raison que j’espère ne pas faire de l’ennoblissement du papier, vecteur de bien des pensées, un simple papier peint.