Sur scène comme à la vie, l’engagement est pour Rachel source d’action et de création puisque c’est en alliant son activité au sein d’une ONG française au tournage sur bois qu’elle trouve sa complémentarité.
Éclectique et touche‐à‐tout, la rencontre entre Rachel et le tournage sur bois s’est faite de fil en aiguille, mais d’un fil bien tissé. Il lui aura fallu du temps, en revanche, pour se donner la permission de faire du tournage sur bois son cœur de métier.
Co‐présidente bénévole de l’atelier Gueules de bois, Rachel y façonne des objets à la narration affranchie du temps : bols et soliflores de préférence car, de par leur forme et de par leur utilité, « ils sont réconfortants ». Gueules de bois, c’est un atelier partagé de 360 m², installé au cœur du lieu de vie Agronaute sur l’île de Nantes, entièrement dédié au travail du bois et offrant espaces de travail, établis, outils, machines, espaces de stockage et ressources documentaires ; le tout, mis à disposition des professionnels, jeunes entrepreneurs et particuliers.
Rencontre avec Rachel Louiset, tourneuse sur bois
Bonjour Rachel, peux‐tu te présenter en quelques mots ?
Je suis bordelaise d’origine et nantaise depuis 10 ans. C’est après des études en biologie que je me suis spécialisée dans la protection de l’environnement, notamment dans le milieu associatif. Je partage aujourd’hui mon temps entre mon poste de coordinatrice de projets en éducation à l’environnement dans une ONG française et mon activité de tournage sur bois en auto‐entrepreneuse. Je m’investis également bénévolement dans l’atelier partagé Gueules de Bois depuis ses débuts et c’est dans ce lieu que je pratique et façonne mes objets en bois. Le plaisir de faire et de créer, l’engagement associatif et l’écologie sont vraiment au cœur de mes activités depuis très jeune !
Comment as‐tu découvert le tournage sur bois ?
C’est en recherchant de la vaisselle artisanale en bois que j’ai peu à peu découvert le tournage sur bois. Cet artisanat m’a plu de suite. Je suis très manuelle, j’aime explorer toutes les manières de faire : je couds, je tricote, je cuisine, je répare, etc. C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie de créer ma propre vaisselle.
Un stage d’initiation chez Hervé Wales en Mayenne, beaucoup de pratique autodidacte et un stage de perfectionnement chez Baptou de l’Atelier Trois Petits Tours en Savoie m’ont permis de consolider mes bases, corriger et améliorer mes gestes.
Le fin mot de l’histoire ? Maintenant que je tourne, je n’ai toujours pas – ou très peu – de vaisselle en bois chez moi … les cordonniers sont vraiment les plus mal chaussés !
Comment travailles‐tu le bois ?
J’essaie de faire le moins de pertes possible en donnant aux petites chutes leur chance car elles peuvent encore se transformer en coupelle, toupie ou mini soliflore. Je ne connais donc pas forcément la forme ou les dimensions à l’avance.
Je fabrique essentiellement de la vaisselle et des petits objets. Pour cela, je travaille le plus souvent avec du noyer, du hêtre ou du frêne – des bois locaux et adaptés à l’alimentaire. Selon les stocks que je récupère, je travaille également avec d’autres essences comme le merisier, le noyer noir ou le bois exotique.
Tout d’abord, je prépare le morceau de bois – le plus souvent sur la scie à ruban. A titre d’exemple, pour créer un soliflore, je débite le bois en carrelet et marque le centre de part et d’autre afin de le fixer sur l’axe du tour. Pour une assiette, en revanche, je prépare des rondelles. Les techniques qui s’ensuivent sont très variées. Selon si l’on veut mettre au rond, creuser, donner une forme, je travaillerai avec une gouge à dégrossir, une gouge à creuser, une gouge à profiler, une bédane, une plane, etc. Une fois l’objet tourné, il reste l’étape de la finition. Par exemple, pour une assiette destinée à de l’alimentaire, il me faudra la poncer, la tremper dans l’eau pour relever les fibres du bois, la poncer à nouveau, puis recommencer ! Et seulement, enfin, la huiler.
Quelles spécificités offrent les différents bois pour le tournage ?
Chaque essence – et chaque morceau de bois – a une teinte et un veinage qui lui est propre. C’est d’ailleurs l’une des facettes que je préfère dans ce métier : c’est en tournant un morceau de bois brut que l’on découvrira peu à peu ses nuances et particularités.
Selon les essences, on travaillera des bois plus ou moins denses, plus ou moins durs. Certains désaffûteront très rapidement les outils de coupe. Les exotiques, eux, auront tendance à faire davantage de petits éclats et de poussière de bois et non de véritables copeaux enroulés. Le bois vert, lui, sera très tendre et très agréable à tourner et, en séchant, se déformera pour devenir un objet unique.
Que recherches‐tu à travers tes créations ?
Le plaisir de faire mais aussi de transformer un morceau de bois brut en un objet élégant, utile et durable. C’est d’autant plus satisfaisant lorsque c’est réalisé à partir de bois récupéré, c’est‐à‐dire qui aurait dû être jeté.
Je souhaite, à travers mes créations, faire perdurer ce savoir‐faire. Les gens sont très curieux du processus et des outils de travail, du temps demandé, etc. Ils ont tout à fait conscience de la dimension artisanale et sont sensibles à une consommation éthique, saine et durable. Je suis donc très touchée lorsqu’ils choisissent mes objets pour les accompagner dans leur quotidien ou pour les offrir à leurs proches.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Tout ce qui m’entoure et cela commence souvent par « est‐ce que je ne pourrais pas recréer cet objet sur mon tour ? » De là, nait un projet ou une idée.
J’apprécie les formes simples et sobres comme on le retrouve, je pense, dans mon travail. C’est aussi souvent la pièce de bois qui me guide, en particulier sur les soliflores. Le plus souvent, je ne connais pas la forme finale. Je crayonne aussi quelques croquis mais c’est vraiment sur le tour que j’affinerai la silhouette finale.
Tout l’univers, délicat et boisé, de Rachel Louiset est à retrouver sur son compte Instagram.