Lauréate du prix artisan innovateur 2020 et du prix « Coup de cœur » du directeur du Mobilier national lors des Journée des Métiers d’art 2021, Laurine Malengreau est l’unique artiste en France à proposer des œuvres en Nuno Silk de très grands formats.
C’est après une carrière à l’international que Laurine choisit de s’installer à Aubusson où réside aujourd’hui un extraordinaire vivier de professionnels du textile. L’intense vie artistique – dont peu d’autres communes peuvent se prévaloir – est non seulement propice à la création et à la transmission d’un savoir‐faire ancestral mais aussi au renouveau du secteur teinturier. De cette dynamique naît entre autres l’ambitieux projet de redonner vie aux anciennes manufactures Fougerolles en y accueillant artistes et artisans d’art dont Laurine Malengreau, fondatrice de l’atelier OOLMOO, fait aujourd’hui partie.
Jouant du contraste des couleurs et des matières nobles qui invitent au toucher, les œuvres de Laurine sont un dialogue instinctif entre l’organique et le mouvement. Elles semblent prendre leur élan vital dans un monde sensible, dans l’être et le devenir, dans le changement perpétuel de la nature. Chatoiements, couleurs, transparences : le résultat en est presque sismique.
Depuis le choix des couleurs et des matières au feutrage et foulonnage, en passant par la réalisation de croquis et la disposition des fibres, Laurine accompagne les particuliers, les décorateurs d’intérieur et les Collectible Gallery dans leur transposition d’émotions en « peinture ».
Rencontre avec Laurine Malengreau, artiste textile en Nuno Silk
Bonjour Laurine, peux‐tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour Marie. Belge d’origine, je vis aujourd’hui à Aubusson. Mon parcours, divers et varié, a toujours tourné autour de l’art : historienne de l’art de formation, j’ai été tour à tour gestionnaire de scénographies en Belgique, assistante d’une grande photographe à Madrid, directrice d’une résidence d’artistes multidisciplinaire en Creuse et guide au Musée d’Art Contemporain le MAC’s. J’ai aussi obtenu une bourse européenne qui m’a permis de travailler quelques mois au musée du Prado. C’est en 2008, au contact de la peintre sur soie madrilène Carmen Escolano, que j’ai découvert le Nuno Silk. Ce fut un coup de cœur.
Ce parcours, rarement évoqué, est celui qui m’a permis d’en être où j’en suis maintenant – mes diverses expériences s’emboitant naturellement l’une dans l’autre. Le dernier cheminement réalisé ? Passer du statut d’artisane d’art à artiste, de manière d’abord confuse, puis interrogative et un jour, en pleine conscience.
« J’en suis là aujourd’hui : je suis peintre et ma palette est composée de laines et de soies. »
laurine malengreau
Comment travailles‐tu la technique du Nuno Silk ?
Le Nuno Silk – subtil mélange entre mousseline de soie et laine mérinos – est une branche très peu connue du feutre. Je suis spécialisée dans la création de très grandes pièces. Je travaille donc par terre, avec des genouillères de carreleur. Lorsque la pose de la laine sur la soie est finie, je recouvre l’œuvre d’un tissu qui va me permettre de le mouiller, zone par zone, d’eau très chaude et ensuite de le frictionner avec du savon. La fibre s’accroche ainsi dans la soie, sans l’aide d’autres liants.
La manière dont je travaille le Nuno Silk se différencie du feutre traditionnel en trois points clés. Tout d’abord, je vais appliquer l’eau nécessaire sur ma pièce pour son feutrage mais pas une goutte ne dépassera de mon travail ! J’utilise donc beaucoup moins d’eau que lors d’un feutrage traditionnel. Deuxièmement, la friction qui s’ensuit va être extrêmement précise : la fibre longue de la laine mérinos ne bougera pas de là où je l’ai posée. Dans le feutrage traditionnel au contraire, les fibres sont extrêmement emmêlées et le résultat, plus compact, plus ancré dans la masse. Enfin, dernière différence : alors que les pièces feutrées rétrécissent d’environ 50%, je ne feutre pas autant mes tableaux. Cela me permet de créer un effet vaporeux et un dégradé de couleurs qui ne se noiera pas dans une épaisseur laineuse. Le résultat, malgré tout résistant, est extrêmement fin et joue sur les transparences.
Plein d’autres étapes sont également nécessaires à une bonne finition : on roule la pièce, on la foulonne, on la repasse…
Que recherches‐tu à travers tes créations ?
Une expression du Beau : ce que je considère comme tel à un moment donné, à un instant T – un certain équilibre qui me fait vibrer. J’essaie alors de le refléter sur la soie. Chacun a sa définition du Beau bien sûr et c’est l’accumulation de ces tentatives de représentations qui amène une étincelle de compréhension à ce qui nous entoure et / ou de bien‐être. Et puis, quand je crée une œuvre, j’y trouve de la joie, une vraie vibration intérieure.
Entre l’idée d’une œuvre ( ou une demande client ) et son aboutissement, il y a tout un processus créatif. Quel est‐il ?
Lorsqu’il s’agit d’un privé, j’ai besoin d’un vrai échange verbal avec le client afin de refléter au mieux ses envies, trouver un lien fort avec les miennes, pour que mon geste soit sûr. Ce n’est pas rien de créer une œuvre d’art pour quelqu’un car il y a beaucoup d’émotions dans la demande et j’en suis la dépositaire.
Quant aux professionnels, comme les architectes ou les art gallery, je travaille souvent à partir de moodboard qu’ils m’envoient. Il y a déjà un univers existant et ma pièce sera une des touches finales. Je le respecte et c’est un challenge. J’aime bien avoir des lignes de conduite auxquelles je n’aurais pas pensé. Ça fait évoluer ma manière de travailler et de créer.
Avec quelles matières travailles‐tu ?
Laine mérinos, mousseline de soie, soie sauvage, soie floche, brocard, velours, mohair, fils métallisés.… Des matières douces et naturelles. Je travaille au maximum avec celles de notre territoire. Si elles ne sont pas tracées en France, je demande un certificat de bien‐être animal.
Un moment créatif particulièrement chéri ?
Le moment où la gamme de couleurs choisies me semble « parfaite ». Je sais à ce moment‐là qu’elle est juste, que je vais pouvoir la mettre en forme, en mouvement.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Les lumières des Romantiques comme Turner, la force des couleurs de l’abstraction et sans aucun doute la beauté de la nature. C’est de l’ordre du ressenti. Le quotidien, les émotions relatives aux évènements extérieurs ou intimes jalonnant ma vie ou celles de mon entourage jouent également un rôle important… En fait, mon inspiration vient d’un mouvement intérieur.
Que peut‐on te souhaiter pour 2023 ?
Une exposition à New‐York ?!
De l’inspiration à foison.
Prendre du temps avec ceux qui me sont chers.
Tout l’univers de Laurine, où cohabitent lumière et obscurité, est à retrouver sur son compte Instagram.
Les rendez‐vous d’OOLMOO en 2023
- Salon Paris Art and Design
avec la galerie Anne Jacquemin Sablon
du 29 mars au 2 avril 2023 - Solo show Éclat & chuchotement
Musée du feutre de Mouzon
du 1er avril au 5 juin 2023
À la rencontre des artistes de la Manufacture Fougerolles
De gauche à droite :
- Muriel Blanc Duret, fondatrice de Tributs, design and weave
- Charlotte Kaufmann, créatrice textile
- Laurine Malengreau, artiste textile et fondatrice de l’atelier OOLMOO
- Kendra Wallace, artiste visuel
- Chloe Chagnaud, tisserande et fondatrice de l’atelier La Torna